Message
par jps » 05 avr. 2021, 10:28
archives du 8 Février 2008 journal Le Soir journaliste Jean -Louis Donnay
Standard, prends garde, les vachers de Sainte-Walburge sont de retour ! Martelée dans le patois principautaire, cet avertissement sans frais fleure bon le folklore, aujourd’hui ressuscité par la grâce d’une bande de fous joyeux qui se sont mis en tête de ramener le « RFC de Liège » en première division.
« C’est à la fois émouvant et pathétique », soliloque Robert Waseige. « On revit, hein, chef ! », approuve Willy Robin. « Maintenant, on doit sortir du bois », embraie Raphaël Quaranta en évoquant la place privilégiée des Sang et Marine au faîte du classement de la D 3B.
Waseige-Robin-Quaranta, le trio du temps jadis est recomposé sous nos yeux, sur cette morne plaine d’Ans que le « RFC de Liège » égaie de sa fougue et de sa verve, le dimanche après-midi, quand le championnat l’invite à jouer à domicile.
« Le matricule 4 est en train de renaître de ses cendres, témoigne Jean-Pierre Delmotte, chantre, dans un autre siècle, de l’épopée des Waseige boys. Il faut le voir pour le croire. Le jour du match, ce stade de 4e provinciale grouille, dès le matin, d’une activité débordante. Une centaine de bénévoles dresse les tribunes, monte les cantines, déroule les banderoles publicitaires. La métamorphose des lieux est sidérante. »
Notre ex-confrère boit lui aussi du petit-lait. Et savoure l’instant présent, aux côtés du mage de Rocourt, de son indéfectible délégué et de son joueur fétiche élevé, à son tour, au rang d’entraîneur. Chacune à leur manière, ces trois icônes apportent leur pierre à l’édifice qui se reconstruit lentement mais sûrement, avec le soutien de supporters dont le nombre et l’enthousiasme n’en finirent plus d’enfler.
Lors de la venue de Turnhout, voici 15 jours, on a cru un moment devoir déplacer la rencontre à Tongres tant était soutenu l’intérêt populaire. Le bon sens a fini par prévaloir et Liège a pu opérer à domicile, devant près de 5.000 spectateurs, dans une ambiance du tonnerre de Dieu.
« On revient ici en pèlerinage, atteste Delmotte. De plus en plus, les anciens rappliquent au grand galop. Dernièrement, j’ai croisé Alex Chantraine, champion, avec Anoul et Carré, au seuil des années 50. Il avait fait le déplacement de Suisse où il est devenu une sommité médicale pour passer l’après-midi avec les Depireux, Sulon et consorts. Ici comme à Rocourt jadis, les buvettes ne désemplissent pas avant 9 heures du soir. Au point de corner, la fanfare joue à n’en plus finir les airs d’époque. Le football, une fois encore, opère sa magie. »
Jusques à quand ? La question ne manque pas de pertinence quand on sait par quelles voies tortueuses le RFC de Liège a dû cheminer avant de poser son sac à Ans où, en 2004, le bourgmestre Michel Daerden, flairant le coup fumant, l’a accueilli les bras ouverts.
« Je crois que, cette fois, on est dans le bon, rassure le président Jules Dethier qui a entre-temps rejoint ses compagnons d’odyssée. Nous avons pratiquement apuré toutes les dettes du passé et notre budget de 420.000 euros englobant la prise en charge de 450 jeunes sera aisément bouclé cette saison. Le club est prêt à effectuer le grand saut à l’étage supérieur. L’Union belge nous accordera, au niveau des infrastructures, une année de transition, le temps pour le nouveau stade de voir le jour à Alleur. »
Robert Waseige, qui dispense depuis peu ses conseils à Quaranta tout en haranguant de temps à autre ses troupes, respire un grand bol d’oxygène.
« J’aime le côté bucolique d’Ans. Ce retour à la nature a coïncidé avec le regain d’activité du club qui s’était fourvoyé en passant de l’autre côté de la Meuse pour établir un moment ses pénates à Seraing. Les dirigeants de l’époque avaient-ils oublié que les fans de Liège n’avaient jamais appris à nager ? Ici, on se sent chez nous, à deux pas de Rocourt. »
Flash-back. Le 26 mars 1994, le RC Liégeois disputait à domicile, face au CS Bruges, le dernier match de son histoire. Déclassé pour des raisons de sécurité, le stade vélodrome, qui avait été inauguré en 1921 fermait définitivement ses portes.
« C’est alors qu’a débuté la longue traversée du désert, commente Quaranta. Tel un peuple sans terre, Liège a erré à l’aveugle. En même temps que Waseige, il retrouve aujourd’hui Moïse. Avec, pour seul témoin de cet interminable calvaire et des innombrables tempêtes de sable, Willy Robin qui, en 34 ans, n’a jamais quitté son banc. C’est la raison pour laquelle nous l’avons baptisé, avec mes joueurs, le maître touareg. »
Et les souvenirs de s’enchaîner, avec l’exil à Eupen et, humiliation suprême, le chant du cygne à Sclessin. De cet âge d’or, il ne reste plus rien, ou presque. Les anciens présidents, Edgard Hollange, Yvan Pâque et André Marchandise sont tous rentiers. Pierre Delahaye, le bras armé de la direction, a pris la tangente menant à Sclessin avant d’assurer sa reconversion dans les sphères du tennis.
Luc Boirs, dont la limousine arborait le sigle du RFL sur sa plaque d’immatriculation, est passé dans le camp rouge et blanc en qualité d’attaché de presse. Mais les anciens joueurs de Waseige, eux, ont, à l’image du coach qu’ils vénéraient, embrassé la fonction d’entraîneur tels les François, de Sart, Wégria, Habrant, Thans, Ernès, Drouguet et, bien sûr, Quaranta qui, avant de rebondir à Ans, vécut la chute aux enfers, le déménagement à Buraufosse, la fusion avec Tilleur et la naissance du RTFCL.
« Relégués administrativement en 3e division, nous avions une équipe d’enfer avec Varga, Ernès, Thans, Rouyr, Lecomte, Englebert et Collart pour ne citer qu’eux. Champions en D3, nous aurions pu l’être aussi l’année suivante, en D2 si je ne m’étais salement blessé au genou. A 37 ans, j’évoluais au libero, à une place capitale. Après mon accident, l’équipe n’a plus jamais gagné un match et a même failli descendre. Ce fut le vrai tournant de l’histoire. »
Liège tomba alors de Charybde en Scylla. Désargenté, il devint une proie facile pour les prédateurs de tous poils.
« Un moment, des Siciliens ont voulu nous reprendre. L’aventure a tourné court quand, à leur demande, nous sommes allés affronter le Cameroun à Palerme à l’occasion d’une rencontre amicale qui devait attirer 40.000 personnes. Nous avons joué ce soir-là devant 800 spectateurs. J’ai cru qu’on allait sortir les flingues. La plupart des joueurs ont pris alors la clé des champs. »
Rebaptisé STF – sans terrain fixe –, Liège franchit le Rubicon dans l’espoir de trouver son salut à Seraing. Quand il le quitta en 2004, après le décès de Guy Mathot et une tentative avortée de rapprochement avec le Paris-Saint-Germain, il n’était plus qu’un cadavre ambulant.
Flanqué de Gaspar Navez, un avocat namurois aux allures de Don Quichotte, Jules Dethier survint pour ouvrir le placard aux cadavres.
« Ça dévalait de partout, se remémore l’ex-dirigeant hutois. Quand nous avons déménagé vers Ans, le club traînait une ardoise de plus d’un million. Il avait pourtant encore vécu de bien belles affiches, en Coupe de Belgique notamment, quand il élimina le FC Brugeois. Mais nombreux sont ceux qui se sont rempli les poches sur son compte. Et à bon compte ! »
On reste rêveur quand on songe aux joueurs, encore en activité en première division, qui ont transité, pour la plupart très jeunes, par Liège.
« Ce club me fait songer à l’Afrique profonde où, en dépit du pillage systématique de ses diamants bruts, le sous-sol reste inépuisable en talents », ajoute Quaranta en faisant référence aux Bailly, Deflandre, Grégoire, Fadiga, Gillet, Englebert, Legear, Pieroni, Sterchele, Ingrao et autre Wiggers qui peuplent toujours les rangs de l’élite. Plutôt que d’appréhender le pire, Liège rêve d’un avenir serein. Bon nombre de ses joueurs suscitent la convoitise, comme l’avant-centre Legros suivi à trace chaude par le GB d’Anthuenis. Mais Quaranta, qui est revenu du Luxembourg pour entamer une nouvelle vie à Ans, où il a été élu conseiller communal, croit dur comme fer à la réussite.
« Avec notre école de jeunes, nous sommes en train de jeter les bases d’un club sain qui va bénéficier bientôt d’installations dignes de notre nouveau statut. »
Papa Daerden fera bien les choses. Avec l’aide de la région, sa commune va investir à Alleur, sur un site de 16 hectares, 3 à 4 millions dans la construction d’un stade de 7.000 places et de 8 terrains éclairés. Willy Robin, le maître touareg, sera enfin de retour chez lui !
jps Le "Liègionnaire""Buvez du Lait"