Désolé, j'ai perdu le lien.
Il y a plusieurs types de consultants. Avides de punchlines faciles, les chaines de TV ont tendance à privilégier celui qui a eu une carrière de joueur, une grande gueule, mais dont l’analyse à froid est tellement peu pertinente qu’aucun club ne l’emploie. Et en prenant de l’âge, certains s’aigrissent, et ne sont plus bons qu’à distiller du fiel sur les ex-collègues. On y mettra volontiers René Vandereycken et Georges Leekens. En France, on relève Dugarry, probablement le moins bon joueur de France 98 (et qui n’a pas dit un truc intelligent depuis cette époque), et Raymond Domenech, dont je suis certain qu’une interview le mettant en scène est systématiquement faite autour d’un diner le mercredi soir (ma montre cassée indique 9 heures, et a raison plus souvent que lui). Le souci est que chacun y va de sa petite opinion pseudo-dissonante, et se met en scène afin que les spotlights soient braqués sur lui. Et au travers de ce brouhaha, on ne sait plus quoi penser de ce qu’on a entendu, parce que ce n’est pas toujours évident d’avoir une réflexion dans une pièce où tout le monde parle fort. Le problème est que ces consultants (et les annonceurs qui se sont infiltrés dans la brèche ouverte dès 2012) ont fait de nos Diables une « génération dorée ». Et c’est le principal postulat qu’il faut déconstruire.
Cette ineptie a la peau dure, mais elle est du registre du fantasme, car aucun trophée en jeunes n’avait laissé penser qu’on pouvait avoir une coupe entre nos mains. Tout juste peut-on faire valoir une place de demi-finaliste des Jeux Olympiques de 2008. Comme le Honduras en 2016. Comme l’Irak en 2004. Comme le Chili en 2000. Ces nations ont-elles pour la cause subi une épidémie de générationdoréite aigue ? Même en Suisse (vainqueur de la coupe du Monde U17 2007) ou en Serbie (Coupe du monde U20 en 2015), on ne vendait pas à ce point la peau de l’ours pour commercialiser des t-shirts, des colis barbecue et des épargne-pensions. Nous, on a simplement eu en même temps des mecs qui étaient au top de leur carrière, dans les clubs les plus huppés d’Europe, pour la toute première fois de notre histoire. Mais à part Courtois, Eden, KDB, Fellaini et Lukaku, avait-on réellement les joueurs de classe mondiale que nous pensions avoir ? Va-t-on réellement nous faire croire que Chadli et Mirallas faisaient partie des meilleurs ailiers du monde, et Benteke des meilleurs 9 ? Quel autre pays de 11 millions d’habitants se réveille un jour en se disant qu’il faut ramener la coupe à la maison ? On a quand même vachement pris la confiance, hein !
Cela n’en fait pas une équipe « qui devait gagner des trophées », même si on n’est jamais passé aussi près qu’en 2018, quand la Belgique a découvert la différence entre « on devait » et « on pouvait ». Ça, il n’y a que les consultants de la RTBF/VRT qui vous l’ont vendu, avec la complicité de Carrefour et ING. Sauf que le football n’est pas toujours juste (rarement même), et que d’autres éléments peuvent venir parasiter une équipe à laquelle le trophée semble promis. C’est ce qu’on appelle communément la glorieuse incertitude du sport. Ces 10 dernières années, le Belge a cependant eu tendance à régulièrement se regarder le nombril tout en sous-estimant le travail remarquable accompli par d’autres fédérations. Peut-être qu’on aurait dû être un peu plus Danemark 2021, ou Suisse 2024… Cette période est révolue, car actuellement, des joueurs qui sont les meilleurs du monde à leur poste, on en a maximum un, et il s’en bat les couilles. Et lorsque ces espoirs mal placés sont déchus, cela génère l’habituelle brochette de gogols, qui en viennent à brûler leur maillot au coup de sifflet final, tout en étant suffisamment débiles pour le faire sur TikTok.
Ah ! Ces faux supporters ! Je me rappelle d’une époque où, jeune diplômé, je tenais la ligne téléphonique d’un média, où il suffisait d’appeler pour gagner 2 places pour Belgique – Bosnie. C’était en 2009, et j’avais fini par prendre certains de ces billets et la route de Genk avec trois potes parce que personne n’avait composé le numéro… J’ai mille anecdotes de cette époque, entre un Belgique – Maroc perdu 1-4 dans le kop marocain, et un voyage vers Erevan avec 8 autres supporters… Cette époque était sportivement frustrante, mais elle aide à relativiser : tous les toxiques n’avaient pas leur petite tribune à une heure de grande écoute, simplement parce que les Diables n’intéressaient personne. Tout qui est déjà parti au combat avec Gill Swerts, Koen Daerden, Maarten Martens, Roland Lamah, Stijn Stijnen ou Tom De Mul est à jamais émerveillé de voir sur la pelouse des gars de la qualité de ceux qu’on a aujourd’hui. Et nous n’aurions pas sifflé après l’Ukraine, quels que soient nos griefs. Et croyez bien que des griefs, c’est pas ce qui manque aujourd’hui… (Sire ! On en a gros !) Dramaturgie en plusieurs actes :
Acte 1 : Communication foireuse, et sélection discutée
Domenico Tedesco rentre une liste de 25 joueurs, alors qu’on lui en autorise 26. Premiers grincements de dents, notamment de la part de Saelemaekers et Batshuayi, principaux absents. Deux attaquants, c’est un peu chiche, surtout quand on sait que Romelu a passé l’année 2022 à l’infirmerie. Meunier et Witsel, blessés, sont du voyage. Si le coach s’est déplacé à Madrid pour discuter avec Axel, il n’en a semble-t-il rien fait concernant Thibaut Courtois, dont le nom est dans tous les titres de presse, lui qui vient de soulever la Liga et la C1 en quelques jours. C’est le seul joueur de classe mondiale absent du noyau, mais il a voulu jouer au plus malin, alors tant pis, ce sera Casteels. Mais le fait de ne prendre que 25 gars fait quand même débat, essentiellement car sa motivation est vague : « Ne pas créer la déception chez les réservistes ». Et d’une sélection supposément sans discussion, le coach ouvre la porte à toutes les discussions avec une com’ maladroite. Ce ne sera pas la dernière fois.
Le premier match contre la Slovaquie est frustrant, autant que le scénario. On commence tout feu tout flamme, Doku allume la mèche et le pétard lui explose au visage. Erreur fatale et 0-1. Le feu follet de City s’éteint, et toute l’animation offensive en pâtit. En plus de ne pas être très bons, on n’a pas de bol, avec deux buts annulés pour Lukaku, et une balle sauvée sur la ligne… Les grandes équipes parviennent à gagner même quand elles ne sont pas bonnes, et c’est une des choses qui nous manquent pour briser ce fichu plafond de verre. Pour le même prix, c’est 3-1, mais ça restera 0-1. Les occasions étaient là, mais la conclusion pêche : nous avons besoin de bien trop d’occasions pour inscrire un but, et lorsqu’on est menés, on ne peut pas renverser le cours du match. Et c’est bien un point sur lequel nous n’avons pas progressé depuis le Qatar, avec un xGoals de 1,63 pour 0 but inscrit. Tactiquement, on se demande à quel point il était nécessaire de sélectionner De Cuyper si c’est pour lui préférer Yannick Carrasco, un ailier qui ne défend déjà pas lorsqu’on le lui demande, au poste de back gauche. Trossard avait été insignifiant contre le Luxembourg et le Monténégro, et a malheureusement poursuivi sur cette voie, privilégiant toujours le mauvais choix. Et voilà déjà une Belgique au pied du mur. Un peu à la surprise générale, car personne ne connaissait ce Schranz, attaquant du Slavia Prague… Au moins, on ne parle plus de Courtois ni de sa guerre d’ego avec le coach, Casteels ayant sauvé ce qui pouvait l’être.
Acte 2 : Le pied du mur
Il faut changer des choses et Tedesco le fait. 4 changements dans le 11 de base, avec Mangala, Trossard, Debast et Carrasco qui dégagent, au profit de Lukebakio, Theate, Vertonghen et Tielemans. Ce dernier met la Belgique sur orbite en marquant rapidement, ne permettant pas aux Roumains de s’installer dans le match, et de jouer avec nos pieds comme l’ont fait les Slovaques. Souvent passifs lors du premier match, les Diables sont cette fois dominateurs. Sauf que ce deuxième but ne vient pas, et l’adversaire a les possibilités de revenir dans le match. De Bruyne est grand, Doku est virevoltant, et les possibilités de marquer s’accumulent, mais à nouveau l’efficacité fait défaut. On a droit au traditionnel but annulé de Lukaku, avant que Captain Kev n’assure le succès en fin de match. A temps, car défensivement, ça commençait à devenir tendu. Montés en cours de match sur un train de sénateur, Carrasco et Trossard ont à nouveau déçu. Dans le contenu, ce n’était pas parfait, mais c’était bien mieux. La concrétisation semble enfin à la hauteur, avec un xGoals de 1,95 pour deux buts inscrits. Mais on aurait probablement eu plus de possibilités de gonfler ce chiffre si on n’avait pas foiré certaines reconversions : les xG sont un outil, mais ils ne tiennent pas compte d’une avant-dernière passe ratée. Et on pèche souvent en reconversion. Par contre, les Roumains se sont montrés dangereux (1.05) alors qu’ils ont peu eu le ballon (40%). Contre une grosse équipe, ce manque de rigueur va se payer bien plus cher.
Acte 3 : L’heure de vérité
On se dit que face à une équipe qui a besoin d’un succès pour gagner, on va avoir des espaces. Et on compte sans doute un peu trop dessus. Depuis le 1-1 au Baudouin en 2013 contre le Pays de Galles, nous avons compris que les équipes arc-boutées devant leur but ne nous réussissaient pas, et elles aussi. Si les affrontements ultérieurs face aux Gallois nous ont appris quelque chose, c’est que nous n’avons jamais réellement amélioré notre capacité à décapsuler un match, comptant principalement sur des coups d’éclat individuels pour emballer une rencontre. Première mauvaise surprise, celui qui a vu Allemagne – Ukraine début juin sait vers quoi on va : un parquage de bus à 8 derrière. Deuxième mauvaise surprise : la suspension de Lukebakio implique de le remplacer. Or, l’ailier de Séville faisait partie des satisfactions, et là où on attendait un Bakayoko similaire dans ses intentions, Tedesco choisit à nouveau Trossard, un peu en dépit du bon sens. Peu d’animation, les Belges ne veulent pas enflammer le match, au risque de se faire retourner en contre. Deux petites occasions belges, bien trop timides pour faire trembler le portier visiteur. Pire, les Ukrainiens réussissent à casser nos lignes en deux passes là où nous échouons à briser les leurs. Heureusement devant, c’est le Yaremchuk de Bruges et non celui de Gand… Le match sombre dans un faux rythme médiocre, mais les occasions sont plutôt au crédit de la Zbirna, qui parvient à éventrer l’axe de notre défense bien trop facilement. Casteels est bien réveillé, car sur un corner direct botté par Malinovski, Castagne, qui a pourtant joué avec lui à Genk, a un moment d’absence. Autant dire qu’à 0-1 à la 78e, les carottes étaient cuites. On finit par avoir les reconversions offensives tant attendues, mais elles sonnent faux, les passes sont imprécises et dans le mauvais tempo. Encore une fois, « Ça ne joue pas juste ! ». Finalement, les Diables jouent la montre dans les arrêts de jeu, générant des sifflets de leurs supporters médusés, qui savent qu’une deuxième place veut dire un nouveau duel face aux Bleus. Les Belges ont obtenu 7 corners, et trois d’entre eux étaient dans les pieds de Casteels moins de 10 secondes après avoir été donnés. Alors, la qualification est au bout, mais la rupture apparait entre la Belgique et ses supporters, parce que personne n’est heureux de flipper jusqu’à la 94e minute du groupe le plus faible de l’Euro. Au point de virer les caméras de la causerie de fin de match.
Acte 4 : On repasse les plats
Changement de système, avec un 4-2-2-2, un De Bruyne fort bas, un Tielemans sur le banc, et la paire Lukaku / Openda sur le front de l’attaque. On s’attend à un match fermé, on l’a. Deux occasions belges repoussées par Maignan puis Hernandez et un 0-0 au repos extrêmement prévisible. Les Bleus se réveillent en deuxième période, et alertent Casteels sur une frappe lointaine. Les occasions sont rares, et à l’heure de jeu, Openda sort, Mangala le remplace et De Bruyne joue plus haut. On voit le plan de Tedesco, et il est proche de fonctionner, mais tant Lukaku que King Kev se heurtent à Maignan. Et comme de bien entendu, il fallait un but moche pour illustrer le concept de la chatte à Dédé. A l’aube des quarts, Jan Vertonghen devient le meilleur buteur de l’Equipe de France. De Ketelaere obtient ses premières minutes du tournoi à la 86e (tu parles d’un cadeau), mais rien ne change. Les valises sont bouclées, on rentre à la maison. Sans verser dans le pessimisme le plus vil, on le sentait un peu venir. A la fois parce que l’effectif français est plus riche que le nôtre en profondeur, mais également parce que depuis longtemps, nous n’avons pas été capables de provoquer notre propre réussite. Je ne suis même pas déçu, tant ce scénario cousu de fil blanc était dans nos esprits depuis le coup de sifflet final face à l’Ukraine. Pour ma part, j’avais parié sur une tête du nez de Giroud à la 89e, je n’étais pas tombé si loin finalement, parce qu'on se fait encore sortir par une équipe qui ne joue pas beaucoup mieux... Il faut toujours croire en nous, mais nous semblions manquer de trop de choses pour pouvoir bousculer ce qui est peut-être actuellement l’une des meilleures sélections du monde. Et notamment de ce petit supplément d’âme que j’ai tant apprécié chez les Turcs, les Géorgiens et les Albanais, moins talentueux, mais tellement plus enthousiastes. Va falloir réfléchir à ce qu’on a vu maintenant, à froid.
Acte 5 : Lendemain de veille.
1) La tactique
Quand on parle de tactique, il y a plusieurs écoles, au même titre qu’il y a plusieurs ouvertures dans une partie d’échecs. Dès lors, la fédération choisit un coach, qui choisit une tactique et des joueurs, et les joueurs choisis par le coach disposent, s’ils le peuvent. Cela fait déjà beaucoup d’éléments de désaccord potentiel, et on n’a pas encore parlé de dispositifs… C’est toujours clairement plus facile d’aboyer avec la meute après coup, et comme on dit toujours : 11 millions de sélectionneurs, si tu penses faire mieux, dépose un CV. Tedesco l’a fait, et a été choisi, au grand dam de certains consultants (dont on a déjà débattu de la pertinence). Le football, ce n’est pas que de la data, et c’est l’une des multiples critiques adressées au coach, déjà bien avant l’Euro. Pourtant, on peut se servir des stats pour tirer des leçons. 4 matches, deux buts marqués, deux buts encaissés. Pas très différent du Qatar (3 matches, 1 but, 2 clean sheets). Bien que les coaches (et les systèmes) soient différents, on a vu sensiblement le même spectacle : une incapacité à sortir de la ligne arrière, trop bas, à casser les lignes adverses, et hop ! On rejoue latéralement ou vers le gardien... En boucle. L’animation offensive a trop souvent été l’apanage de nos joueurs-frisson plus que du système en lui-même. Eden Hazard était d’ailleurs bien plus dangereux lorsqu’il avait le rôle d’électron libre qu’il affectionnait tant, de même que Moussa Dembélé (dans une moindre mesure). Depuis leur départ, cette charge a trop souvent reposé sur Jeremy Doku. KDB brise des lignes, mais l’ancien anderlechtois brise des reins. A plus d’un titre, c’est lui notre joueur-frisson. A un point où on a parfois eu l’impression que la tactique était « donne la balle à Jerem »... Mais le jeu du virevoltant ailier de City est parfois encore trop parasité de gestes inutiles, et sa fougue implique encore trop de touches de balle avant de trouver un coéquipier. Et lorsque Jeremy ne peut pas emballer, la rencontre s’enfonce assez vite dans les méandres de la médiocrité. Mais pourquoi ne peut-il pas réellement s’exprimer ?
Bien que d’un point de vue chiffré, la défense n’ait pas démérité (2 buts encaissés en 4 matches), elle reste notre talon d’Achille, et pas seulement en termes de vitesse. En effet, pour pouvoir disposer de ballons à la construction, les médians doivent revenir chercher les ballons beaucoup trop bas. L’analyse des fameuses « Heatmaps » montre que Doku doit en moyenne récupérer le ballon entre 15 et 25 mètres plus bas que Musiala, Rafa Leao ou Nico Williams. Contre la France, Doku a en moyenne été contraint de venir rechercher les ballons à 30 mètres… De ses propres buts. C’est impossible pour un ailier de construire quoi que ce soit dans ces conditions. Onana a lui bien trop souvent le ballon devant son rectangle, dos au but adverse. De quoi peut-être expliquer les gestes de dépit à répétition d’un Kevin De Bruyne bien trop peu alimenté, dans la lignée de ce qu’on avait déjà vu à Doha… Mais si le capitaine s’en frustre lors d’un match, on est en droit de se demander si c’est bien là une consigne du coach, ou plus probablement une reconstruction à la qualité insuffisante. Et force est de constater que depuis les retraites de Kompany et Vermaelen, nous n’avons plus de central capable de sortir d’une défense balle au pied, et de faire monter le bloc (Daniel Van Buyten me manque). Si défensivement, on a été efficaces (avec un Faes qui a convaincu), l’apport offensif des défenseurs belges est insignifiant : aucun centre réussi en 4 matches par Castagne et Theate, sur 5 toutes petites tentatives. Les backs de la Slovénie savent marquer et les nôtres ne sauraient pas centrer ? Quant aux phases arrêtées offensives et au jeu de tête, petite stat : le dernier but en grand tournoi sur phase arrêtée indirecte, c’est Vermaelen contre la Finlande en 2021. Et si vous êtes un peu sensible en disant qu’au final, c’était un CSC de Hradecky, il faut remonter à des temps immémoriaux, et à … un CSC de Fernandinho contre le Brésil en 2018... Ça non plus, on ne sait plus faire, alors qu’on a probablement un des meilleurs donneurs de phases arrêtées du monde…
Si Roberto Martinez est resté fidèle à son système à l’excès, Domenico Tedesco semble moins frileux à l’idée de changer son plan de jeu, parfois même en plein match. Problème : les remplacements n’ont jamais concrètement apporté un plus, intervenant souvent bien trop tard dans le match pour avoir un réel impact. Pire, ils ont semblé incompréhensibles pour le public, mais parfois également pour les joueurs. Il suffit de voir la tête de Tielemans lors de sa sortie contre l’Ukraine pour voir que le message ne passe pas toujours… A postériori, certaines idées semblent carrément farfelues : Carrasco en back, De Bruyne devant la défense avec Onana. Si cela avait fonctionné, on aurait crié au génie, sauf que ça n’a pas fonctionné. Sur les individualités utilisées, le sélectionneur national a par contre été particulièrement rigide : si les zéro minutes de Sels et Kaminski étaient prévisibles, celles de De Cuyper, Vermeeren, Vranckx étaient plus surprenantes, sans parler des blessés Witsel et Meunier. De Ketelaere a fait ses débuts à la 86e de France – Belgique, mais n’en pense sans doute pas moins. Ca fait 8 noms sur 25 qui seraient bien partis en vacances trois semaines plus tôt... Tedesco a donc ses « têtes », comme tous les entraineurs, mais on ne s’explique pas l’utilisation de Trossard jusqu’à l’entêtement, alors que l’ailier d’Arsenal est clairement passé à travers tout le rassemblement. L’idée générale tend donc à fustiger cette passivité alors que l’équipe ne tourne pas. La frustration du public n’est pas de sortir du tournoi, elle est de sortir en n’ayant strictement rien montré. Et le coach a tendu le bâton pour se faire battre dans une communication maladroite.
2) La communication
Partir au combat avec une place libre dans son équipe et le revendiquer en conférence de presse, c’est envoyer le message aux réservistes qu’on n’a pas besoin d’eux, et qu’ils ne satisfont pas au niveau d’exigence de la sélection. Et ça fragilise plus un groupe que de prendre un 26e quitte à le laisser sur le banc (à l’instar des 8 gars qui ont regardé l’Euro depuis la touche). Par contre, dire qu’en cas de blessure de Lukaku, on peut faire jouer Trossard ou CDK en 9, c’est nous prendre pour des ânes. Tedesco n’aime pas Batshuayi, c’est un fait. Il y a un an, lorsque le coach a été intronisé et qu’il n’a pas repris le nouveau 9 de Galatasaray (alors blessé), il a ouvert la conférence de presse en disant que même s’il avait été fit, il ne l’aurait pas pris. La communication transparente est une vertu appréciable dans un domaine de faux semblants tel que le football, mais la frontière est ténue entre l’honnêteté et la logorrhée. Et quand on n’arrive pas à faire sauter le verrou avec un Lukaku malchanceux et maladroit, et un Openda qui ne trouve pas ses marques en Diable, le fait de se passer ouvertement de Batsman tend clairement vers la faute professionnelle.
Pourtant, la Lukaku dépendance est autant le mérite du joueur que la faillite belge dans la production de n°9 de classe internationale. Certes, Big Rom a fait un mauvais tournoi, mais il a planté 14 buts en éliminatoires. Et c’est là tout le problème : le gratin européen a bien compris qu’en parvenant à le priver de ballons, nous n’avions aucune autre alternative efficace. Nous avons construit une équipe autour d’un profil totalement atypique, et qui n’a aucun équivalent au niveau national. Dès que celui-ci est paralysé, toute l’équipe l’est, car hormis une frappe lointaine de De Bruyne, nos possibilités de faire mal à l’adversaire se réduisent à peau de chagrin. Lukaku n’est pas subitement devenu mauvais, il a été enfermé et a lentement perdu confiance. Quel numéro 9 arrive à jouer pendant 90 minutes en devant décrocher jusqu’au rond central pour toucher 10 ballons dos au but sans perdre ses nerfs ? Pour se rendre compte à quel point il est l’arbre qui cache la forêt, il suffit de voir les buteurs en éliminatoires, contre l’Autriche, l’Estonie, la Suède et l’Azerbaïdjan : derrière Romelu et ses 14 roses, on trouve : Lukebakio et Trossard (2 buts), CDK, Bakayoko, Carrasco et Vertonghen (1 but). Big Rom n’est pas une menace, il est LA menace. Et lorsque nos adversaires parviennent à l’éteindre, il faut des alternatives, tant collectives qu’individuelles. Et à l’heure actuelle, elles ne représentent pas l’avenir, et se trouvent toutes en MLS (Cuypers, Benteke, Vanzeir). Dans ces conditions, dire à Michy qu’on ne veut pas le prendre alors qu’il reste une place dans le noyau est incompréhensible. Et ce, alors que le joueur n’a jamais posé aucun problème.
Et maintenant ?
La fédé est en perte pour l’année 2023, d’environ 11M€. Bien que la presse du nord du pays tente de pousser Hein Van Haezebrouck à un poste à responsabilité depuis 10 jours, il est donc peu probable de voir la RBFA revenir sur le contrat de Tedesco, prolongé avant l’Euro. Depuis le départ de Martinez, il est douloureux de constater qu’une partie de la professionnalisation mise en place par l’Espagnol a été jetée aux oubliettes, et qu’on recommence à faire n’importe quoi comme à la grande époque De Keersmaeker... Il faut donc penser à 2026, et cela commence dès septembre.
Dans un groupe de la mort en Ligue des Nations, Domenico Tedesco n’aura pas le temps de faire des essais et des ajustements. La Belgique doit se sauver en Ligue A, quels que soient les moyens dont elle dispose, et avec les chantiers qu’il va falloir débuter (quid de Romelu, KDB, Witsel, Courtois ?). De ces résultats dépendra (partiellement) le tirage des éliminatoires vers 2026, et autant dire que c’est déjà demain. Les vrais supporters ont déjà lessivé leurs maillots, et attendent leur revanche face aux Français et aux Italiens, soit les deux dernières équipes à nous avoir sorti d’un Euro. On y verra déjà plus clair quant aux progrès que le coach aura fait dans son approche, et ce qu’on est en droit d’attendre d’une équipe belge dans l’optique d’une coupe du monde à 48. Certes, ils nous doivent une revanche, mais nous la leur devons aussi. Autant pour ce qu’ils nous ont apporté que pour ce qu’ils nous apporteront encore, afin de ranger bien vite ce mois de juin au rayon des mauvais souvenirs. Et puis, sait-on jamais, une demi-finale de Ligue des Nations, ça effacerait bien quelques frustrations…